
21 avril 2022.

L’émission littéraire proposée par Josiane Guibert qui vous fait partager ses découvertes, ses points d’intérêts et ses coups de cœur.
Au programme : 1 – Deux expositions parisiennes: – Marcel Proust, un roman Parisien au musée Carnavalet. – A la rencontre du Petit Prince au musée des Arts décoratifs. 2 – Un témoignage sobre et poignant, Dieu était en vacances de Julie Wallach aux éditions Grasset 3 – Une découverte, enquête policière et familiale, Le Meutre de Louise Adam, de Laura Carrère aux éditions du Rocher 4 – Mon premier coup de coeur, une aventure singulière sur les rives de la Volga, Les enfants de la Volga de Gouzel Iakhina aux éditions Noir et Blanc. 5- Et mon gros coup de coeur du mois, un roman choral et musical, 555 d’hélène Gestern aux éditions Arléa. |

1. Marcel Proust, un roman Parisien au musée Carnavalet
Bonjour à tous,
Avant de vous présenter mes lectures du mois, je vais vous parler de deux expositions en rapport avec la littératiure que je viens d’aller voir à Paris.
J’ai vu la première, présentée jusqu’au 10 avril, au musée Carnavalet qui a commémoré ainsi le 150e anniversaire de la naissance de Marcel Proust (1871-1922), Marcel Proust un roman parisien.
Consacrée aux rapports de Marcel Proust à Paris, où se déroule l’essentiel de son existence, cette exposition interroge la place de la ville dans le roman proustien.
La première partie de l’exposition explore l’univers parisien de Marcel Proust. Né et mort à Paris, la vie de l’écrivain s’est déroulée au coeur d’un espace allant du parc Monceau à la place de la Concorde, de la Concorde à Auteuil, d’Auteuil au bois de Boulogne et à l’Étoile. La ville a une dimension décisive dans l’éveil de la vocation littéraire de Marcel Proust, depuis ses premiers textes à la fin des années 1890 avec ses condisciples du lycée Condorcet, jusqu’à ses débuts dans la haute société parisienne et la rencontre de personnalités déterminantes.
Sa découverte des milieux artistiques et mondains parisiens, les amitiés et les amours qui y naissent affermissent la personnalité de l’écrivain et le mènent vers la révélation de sa vocation.Au coeur de l’exposition, l’évocation de sa chambre offre une plongée dans l’univers de l’écrivain. Les éléments de mobiliers et les objets qui la composent, liés à la vie intime de Marcel Proust et de sa famille, permettent de représenter l’espace de création et de rendre compte de la genèse de son oeuvre.
La seconde partie de l’exposition ouvre sur le Paris fictionnel créé par Marcel Proust. En suivant l’architecture du roman À la recherche du temps perdu et au travers de lieux parisiens emblématiques, elle offre un voyage dans l’oeuvre et dans l’histoire de la ville, en s’attachant aux principaux protagonistes du roman.
J’avoue connaître assez mal l’oeuvre de Proust et cette exposition a été pour moi riche d’informations.
A la rencontre du Petit Prince au musée des Arts décoratifs

Puis je me suis rendue au musée des Arts décoratifs pour y voir l’exposition À la rencontre du Petit Prince, exposition présentée jusqu’au 26 juin 2022.
Il s’agit de la première grande exposition muséale en France consacrée au Petit Prince, chef-d’œuvre de la littérature, phénomène d’édition planétaire puisqu’il existe 490 traductions dans des langues et dialectes différents, soit presque autant que la Bible.
Le Petit Prince, dernier ouvrage édité du vivant de Saint-Exupéry, écrit et publié aux États-Unis en 1943 mais paru en France en 1946, a toujours eu depuis un succès qui traverse les frontières et les époques, porteur d’un message universel. Le manuscrit original, conservé à la Morgan Library & Museum à New York et jusqu’alors jamais présenté au public français, est dans cette exposition mis en regard d’aquarelles, esquisses et dessins – pour la plupart inédits – mais également des photographies, poèmes, coupures de journaux et extraits de correspondances.
Sur les feuillets vieux de 80 ans, on trouve des ratures et des hésitations, qui permettent de comprendre le travail de l’écrivain. « On a des preuves que Saint-Exupéry écrivait en pleine nuit, en fumant, en buvant du café, et parfois ça se retrouve sur ses manuscrits. Il écrit sur du papier extrêmement fin qui absorbe beaucoup l’aquarelle, mais qui absorbe beaucoup aussi les taches de café » explique Anne Monnier Vanryb, commissaire de l’exposition.
Plus de 600 pièces sont présentées et célèbrent les multiples facettes d’Antoine de Saint-Exupéry, écrivain, poète, aviateur, explorateur, journaliste, inventeur, philosophe, porté toute sa vie par un idéal humaniste, véritable moteur de son œuvre.
Vraiment, une très belle exposition à ne pas manquer. J’ai simplement regretté que les textes explicatifs soient écrits en caractères trop petits, Heureusement, il n’y avait pas trop de public et on pouvait s’approcher des vitrines !

2. DIEUX ÉTAIT EN VACANCES de Julie Wallach aux éditions Grasset
Je m’intéresse à la Shoah et j’ai lu de nombreux livres ou témoignages sur ce sujet. À mes yeux, se souvenir de cette période sombre de notre histoire est très important.
Parmi les livres de la rentrée littéraire de septembre, j’ai été interpellée par le titre de cet ouvrage : Dieu était en vacances, écrit suite au témoignage de Julia Wallach, âgée de 96 ans, avec l’aide de Pauline Guéna et paru chez Grasset.
Dans ce court livre, elle raconte sa vie avant la guerre, la mise en place des mesures antijuives, son arrestation, son internement au camp de Drancy, sa déportation à Birkenau en 1943, les quatre mois de la marche de la mort, puis le retour en France.
Voici la présentation faite par l’éditeur en quatrième de couverture :
« Mes souvenirs d’enfance me précipitent tout droit dans la bouche des camps où mes parents ont été assassinés. Je ne peux pas penser à ma mère qui chante un opéra en yiddish dans la cuisine de notre petit appartement sans revoir aussi les policiers qui l’emmènent et elle qui les supplie de m’épargner. Je ne peux pas raviver en moi la haute silhouette de mon père, ses sourcils froncés alors qu’il parcourt le journal, sans l’apercevoir hagard, déplacer une pierre trop lourde sur un chantier du camp, cherchant timidement autour de lui, espérant revoir sa femme, l’amour de sa vie. »
Julia Wallach a 17 ans quand elle est arrêtée avec son père sur dénonciation d’une voisine, en 1943, puis déportée vers Birkenau. Pendant deux ans, elle connaît l’horreur des camps et la marche de la mort à travers la Pologne et l’Allemagne enneigées. En avril 1945, avec quelques femmes, Julia trouve encore la force de s’enfuir. Elle qui a survécu au typhus et aux sélections, aux coups, au froid et à la faim va, pas à pas, se reconstruire, tomber amoureuse et fonder une famille. Une longue marche vers la vie, ponctuée d’éclats de rire et de colère, drapée, avec une élégance sans faille, dans la force de caractère qui n’a jamais cessé de l’animer.
Née à Paris en juin 1925 de parents juifs polonais, Julia Wallach témoigne régulièrement dans les écoles. Elle apparaît aussi dans le travail cinématographique de sa petite-fille Frankie Wallach.
Romancière, essayiste et scénariste, Pauline Guéna a obtenu le Grand prix des lectrices de ELLE – document pour L’Amérique des écrivains, avec Guillaume Binet.
J’ai beaucoup aimé ce livre où, malgré l’horreur des faits racontés, l’auteure ne se démet jamais de son humour et reste pétillante ! Son énergie, sa combativité apparaissent dans toute son attitude et ont sans nul doute joué un rôle important dans sa capacité à survivre. Car il s’agissait bien de survie et, comme elle l’écrit page 68, « La vie à Birkenau a commencé, si on peut appeler ça la vie. »
Après son retour de déportation, elle a d’abord commencé par se taire. Puis elle est allée à Auschwitz et elle a décidé de témoigner.
Elle écrit page 133 : « J’ai retrouvé ma feuille d’entrée, avec mon nom et celui de mon père et de tous ceux du convoi 55, affichée à Birkenau dans le pavillon français. Je me suis souvenue que mon père m’avait dit : « Je ne survivrai pas à ta mère. Mais toi, tu es jeune. Vis, rentre à la maison, et raconte ce qu’on nous a fait. » Alors j’ai commencé à parler. Et je n’ai jamais cessé.
J’ai parlé à ma famille, à mes amis, à des associations, dans des écoles religieuses ou laïques, et même dans les squares, aux nounous des amis de mes petits-enfants. J’ai tout raconté, autant de fois qu’on me l’a demandé. Dans les classes, souvent, des enfants au regard sérieux ont voulu savoir si je croyais encore en Dieu. « Oh non, ai-je chaque fois répondu, je ne crois pas en Dieu. Ou alors, il était en vacances. »

3. LE MEUTRE DE LOUISE ADAM de Laura Carrère aux éditions du Rocher.
Voici la présentation de l’éditeur :
« Mariée et mère de deux enfants, Anne Leroy ne s’est jamais remise de l’arrestation de son père en 1984, l’année de ses dix ans. Alors que la famille menait une vie rangée dans la campagne normande, à quelques kilomètres d’Omaha Beach, Jacques Leroy a été condamné à quinze ans de prison pour le meurtre de Louise Adams, l’épouse d’un général américain venu assister au quarantième anniversaire du Débarquement.
Trente ans après le drame, Anne est en vacances sur les lieux de son enfance, lorsqu’un incident rouvre ses blessures et la pousse à mener une enquête sur les origines du crime de son père. Mais les témoins se montrent réticents, et la parole peine à se libérer.
Et si les racines de cette tragédie étaient plus anciennes ? Anne va devoir démêler les fils d’une histoire familiale tourmentée qui la ramènera aux temps troublés de l’Occupation allemande. »
Le titre pourrait laisser penser à un roman policier. Il s’agit davantage de l’enquête sur une histoire familiale, avec ses secrets et ses non-dits. Anne, une femme de 40 ans, anxieuse, dépressive, dépendante de son mari, se retrouve sur les lieux de son enfance où elle est confrontée à son histoire familiale : l’arrestation de son père accusé d’un meurtre, trente ans auparavant.
Anne provoque l’accident de sa fille Madeleine, accident que son mari ne lui pardonnera pas et à la suite duquel il demandera le divorce.
C’est un choc pour Anne et il va la pousser à enquêter sur le meurtre d’il y a trente ans et à essayer de comprendre ce qui s’est réellement passé.
L’histoire est bien construite, les personnages consistants ont un comportement crédible, ce roman bien écrit ne laisse pas indifférent.

4 – Les enfants de la Volga de Gouzel Iakhina
Et maintenant, une belle découverte et un gros coup de coeur avec Les enfants de la Volga, Mes enfants pour le titre russe, de Gouzel Iakhina, aux éditions Noir sur Blanc, qui a reçu le Prix du meilleur livre étranger 2021, a été finaliste du prix Médicis 2021 et de la deuxième sélection du prix Fémina 2021.
Voici la présentation faite par l’éditeur :
« Nous sommes dans la région de la Volga, dans les premières années de l’URSS, en 1920-1930. Jakob Bach est un Allemand de la Volga : il fait partie des descendants des Allemands venus s’installer en Russie au XVIIIe siècle.
Bach est maître d’école dans le village de Gnadenthal, une colonie située sur les rives du fleuve. Un mystérieux message l’invite à donner des cours à Klara, une jeune fille vivant seule avec son père sur l’autre rive de la Volga. Bach et Klara tombent amoureux, et après le départ du père, ils s’installent ensemble dans la ferme isolée, vivant au rythme de la nature. Un jour, des intrus s’introduisent dans la ferme et violent Klara. Celle-ci mourra en couches neuf mois plus tard, laissant Bach seul avec la petite fille, Anntche.
Après la mort de Klara, Bach s’éloigne du monde et perd l’usage de la parole. Tout en élevant l’enfant, il écrit des contes qui, de manière étrange et parfois tragique, s’incarnent dans la réalité à Gnadenthal. Un autre enfant fait alors son apparition à la ferme : Vasska, un orphelin vagabond qui bouleversera la vie d’Anntche et Bach… »
Gouzel Iakhina est née en 1977 à Kazan, au Tatarstan (Russie). Elle a étudié l’anglais et l’allemand à l’université de Kazan, puis a suivi une école de cinéma à Moscou, se spécialisant dans l’écriture de scénarios. Elle a publié dans plusieurs revues littéraires, comme Neva ou Oktiabr. Zouleïkha, Ouvre les yeux, est son premier roman.
L’intrigue de ce livre se situe à Gnadenthal, sur la rive gauche de la Volga, colonie allemande formée des descendants des hommes que l’impératrice Catherine II (Allemande elle aussi) avait invités à s’installer en Russie au XVIIIe siècle. Dans ce village vit une communauté en marge du temps et de la société, autour du maître d’école, du pasteur, et régie par des coutumes immuables des habitants qui parlent un dialecte germanique et ignorent les Kirghizes, leurs voisins proches le long de la Volga.
Le maître d’école, Jakob Bach, admire la littérature romantique allemande, Goethe en particulier, et ressent une curieuse attirance pour les tempêtes.
Tout bascule lorsque Bach va traverser le fleuve pour aller éduquer Klara…
Ce roman est avant tout le récit de l’amour exclusif que Bach va porter à Klara puis à sa fille Anntche qu’il va s’efforcer de protéger contre la violence du monde. Car, après la révolution de 1917, se produisent des événements violents et mortifères.
Ce roman est comme un conte où se mêlent l’Histoire (les faits relatifs à la situation et à l’évolution politique sont réels), la poésie, le fantastique, le rêve.
Un des personnages principaux est la Volga avec la fascination qu’elle exerce sur tous les protagonistes. Le dernier chapitre est saisissant, véritable hymne au fleuve, mêlant rêve et réalité.
Et on est happé dès les premières lignes de ce magnifique roman qui permet de mieux comprendre l’esprit slave.
Pour vous donner une petite idée, mais une idée seulement, car au fil de ce livre on va de découverte en émerveillement, voici un passage de la page 39 :
« Devant la vue qui s’ouvrait depuis le sommet, Bach se figea, oubliant jusqu’à sa propre existence : en contrebas, la Volga d’un bleu éblouissant, scintillait comme si elle était cousue d’éclats de soleil, se déployait à l’infini. Pour la première fois de sa vie, le regard de Bach embrassait une telle amplitude. Le monde était étalé tout autour à ses pieds : les deux rives, la steppe dans la brume verte de la première herbe, avec les arabesques des ruisseaux dans les prés, l’étendue bleu foncé de ciel et d’eau à perte de vue, et l’orfraie grise qui tournoyait au-dessus du fleuve en quête d’une proie. Bach écarta les bras pour prendre tout cet espace, prit son élan et – il ne parviendrait jamais à se souvenir de cet instant – il s’envola comme un oiseau, ou peut-être descendit le sentier en coup de vent, à la suite du Kirghize au pas leste… »

555 d’Hélène Gestern aux éditions Arléa
Et je terminerai cette émission par la présentation d’un livre que j’ai beaucoup aimé, 555 d’Hélène Gestern aux éditions Arléa, une lecture à ne pas manquer.
Voici ce qu’on peut lire en quatrième de couverture :
« C’est en défaisant la doublure d’un étui à violoncelle que Grégoire Coblence, l’associé d’un luthier, découvre une partition ancienne. A-t-elle été écrite par Scarlatti, comme il semble le penser ? Mais, à peine déchiffrée, la partition disparaît, suscitant de folles convoitises. Cinq personnes, dont l’existence est intimement liée à l’oeuvre du musicien, se lancent à la recherche du précieux document sans se douter que cette quête éperdue va bouleverser durablement leur vie.
Domenico Scarlatti, compositeur génial aux 555 sonates, est le fil conducteur de ce roman musical. Sa musique envoûtante en est la bande sonore.
Hélène Gestern a publié sept livres chez Arléa, dont Eux sur la photo, L’Odeur de la forêt et Armen, l’exil et l’écriture. »
La famille Scarlatti fut une grande famille de musiciens. Le père, Alessandro, vécut de 1660 à 1725 et composa surtout de la musique sacrée et des opéras. Parmi ses fils, Domenico, qui vécut de 1685 à 1757, fut le plus doué et est resté le plus célèbre. Pendant la première partie de sa vie, il composa des opéras et des œuvres religieuses, mais n’en acquit pas la gloire. Il ne trouva celle-ci qu’à partir de 1720, lorsqu’il se mit au service de Marie Barbara de Bragance, princesse portugaise appelée au trône d’Espagne en 1729, lors de son mariage avec Ferdinand VI. Scarlatti composa pour elle ses 555 sonates, oeuvres, réservées à un usage royal qui n’ont pas été publiées du vivant de leur auteur, sauf trente d’entre elles, parues à Londres en 1738. Le musicologue Ralph Kirkpatrick réalisa en 1953 une biographie de Scarlatti et l’inventaire des 555 sonates qui lui sont attribuées. Ces dernières ont été bien connues du grand public après les enregistrements réalisés par les clavecinistes Scott Ross et Gustav Leonart. Depuis, de nombreux enregistrements ont été réalisés, notamment des transcriptions pour piano.
J’aime beaucoup la musique – mais ce n’est pas une condition nécessaire pour lire ce livre – et il m’a paru important de faire ce petit rappel qui explique en partie le plaisir que j’ai eu à lire cet ouvrage, singulier, passionnant et qu’on ne lâche pas.
Singulier par son sujet. Hélène Gestern connaît la musique et elle sait en parler et elle sait dire la passion que la musique suscite. « À quoi sert la musique si ce n’est à être partagée » écrit-elle page 330.
Singulier par sa structure. En effet, l’intrigue se construit par les voix de cinq personnages :
Grégoire Coblence, ébéniste. C’est un solitaire, un « taiseux ». Abandonné il y a deux ans par sa femme Flo, il a du mal à surmonter cette rupture qu’il ne s’explique pas.
Giancarlo Albizon, son associé, luthier talentueux, mais joueur – Scarlatti l’était aussi ! –, coureur de jupons, instable, et qui a l’art de se mettre dans des situations difficiles.
Manig Terzian, célèbre claveciniste de 77 ans, aux mains nouées par l’arthrose, compagne de Madeleine, violoncelliste, et grand-tante d’Alice, brillante élève au CNSM.
Rodolphe Luzin-Farge, musicologue et critique musical, spécialiste de Scarlatti, imbus de sa personne, divorcé deux fois dont de Déborah, sa seconde épouse.
Joris de Jonghe, richissime collectionneur belge, veuf inconsolable de Béatrix et qui cherche à redonner un sens à sa vie.
Les personnages interviennent chacun à leur tour ; ainsi, on aura les chapitres Grégoire Coblence, 1 puis Giancarlo Albizon, 1 puis Manig Terzian, 1 etc. Les treize séries d’interventions des cinq personnages sont séparées les unes des autres par la voix (dont le texte est écrit en italiques) d’une personne dont on ignore le nom, mais dont on comprend vite qu’elle tire les ficelles de cette intrigue. Tous ces personnages, au long de la quête machiavélique dans laquelle ils sont entraînés, vont être amenés à remettre en question leur passé, leurs erreurs, leur mode de vie, leurs amours, leurs choix. Et plus on avance dans la lecture, plus les éléments se complètent pour nous amener au dénouement et plus on entre dans la psychologie des protagonistes.
Un livre magnifique dont je vais partager avec vous ce passage de la page 276 dans la bouche de Joris de Jonghe :
« Je pensais à la succession d’interprètes qui avaient fait vivre cette splendeur à travers le temps. À ces rares volumes manuscrits, qui auraient pu être dix fois détruits, mais qui avaient été copiés avec ferveur, échappant ainsi aux outrages de l’oubli pour être réinventés de génération en génération. À ces pièces qui, presque trois siècles après leur création, avaient gardé le pouvoir de rassembler, comme elles le faisaient, ce soir, des êtres que tout aurait dû séparer, l’âge, le degré de richesse, l’éducation, la couleur de la peau. J’ai pensé que dans le monde, à cette heure, la fureur et la haine embrasaient la planète un peu partout, qu’on mourait ici dans le bruit des fusils, là dans la détresse des famines et des exils. Mais ce soir, une fraction d’humanité s’était donné rendez-vous, à l’abri des notes, pour se réconcilier, se recueillir dans la joie pure d’une communion musicale. »
Je vous souhaite de bonnes lectures et je vous donne rendez-vous le 19 mai pour ma prochaine émission.