A&L :: Lectures in the Mood #1

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16 septembre 2021.

L’émission littéraire proposée par Josiane Guibert qui vous fait partager ses découvertes, ses points d’intérêts et ses coups de cœur.

1. Trois de mes coups de cœur de l’été
Là où chantent les écrevisses de Delia Owens, éditions Points.
Un thriller de Claire Favan, La Chair de sa chair, éditions Harper Collins.
Les enquêtes d’Aurel le consul, La Princesse au petit moi, de Jean-Christophe Ruffin, éditions Flammarion.

2. À Rouen, sur les pas de Flaubert
Exposition Emma rêve en Bovary à la maison Marrou jusqu’au 14 novembre 2021.
Exposition Salammbö au musée des Beaux-Arts jusqu’au 19 septembre 2021.

3. Trois de mes découvertes de la rentrée
De la supériorité du passant dans les affaires de l’amour, de Jean-Marie Palach aux éditions du Volcan.
Galerie des Glaces, d’Éric Garandeau, éditions Albin Michel.
La Carte postale d’Anne Berest, éditions Grasset.

4. Rencontres littéraires d’octobre dans le Loiret


1. Mes coups de cœur de l’été

Là où chantent les écrevisses de Delia Owens, aux éditions Points. Un roman magnifique, très bien écrit, dont l’héroïne est Kya, « la fille des marais », qui se retrouve à vivre seule dans les marais de Barkley Cove, petite ville de Caroline du Nord. Elle va apprendre à survivre dans une nature sauvage, parfois hostile, à surmonter les difficultés, mais le plus difficile pour elle sera la solitude.

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Un thriller de Claire Favan, La Chair de sa chair, aux éditions Harper Collins. Je ne connaissais pas cette auteure que j’ai découverte à la lecture de ce livre qui m’a tenu en haleine jusqu’au bout. Les personnages sont tourmentés, abîmés par la vie, un manipulateur tire les ficelles. Ce livre m’a donné envie de lire les précédents et je n’ai vraiment pas été déçue.

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Et pour finir, La Princesse au petit moi,  du diplomate académicien Jean-Christophe Ruffin, aux éditions Flammarion. Il s’agit du quatrième volet des aventures du vice-consul d’origine roumaine, Aurel Timescu, toujours mal fagoté, au physique ingrat, grand buveur de Tokay et d’une paresse incroyable. Un livre léger dont l’action se déroule dans un état imaginaire, la principauté de Starkenbach.

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2. À Rouen, sur les pas de Flaubert


À Rouen sur les pas de Flaubert qui y est né il y a 200 ans. J’y ai vu l’exposition Emma rêve en Bovary présentée à la maison Marrou jusqu’au 14 novembre. Le visiteur se trouve plongé dans l’oeuvre : le décor correspond à une scène du livre, des images sont projetées, des sons et des odeurs sont diffusés. Et, après avoir scanné un QR code à l’entrée, dans chaque salle on peut écouter une page de Madame Bovary. C’est une véritable immersion dans l’œuvre de Flaubert et je ne résiste pas au plaisir d’en lire quelques lignes : Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu’elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de sœurs qui la charmaient. Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ces imaginations et réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en se considérant dans ce type d’amoureuse qu’elle avait tant envié. D’ailleurs, Emma éprouvait une satisfaction de vengeance. N’avait-elle pas assez souffert ! Mais elle triomphait maintenant, et l’amour, si longtemps contenu, jaillissait tout entier avec des bouillonnements joyeux. Elle le savourait sans remords, sans inquiétude, sans trouble.

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À Rouen, j’ai vu également l’exposition Salammbö présentée au musée des Beaux-Arts jusqu’au 19 septembre et qui permet de bien comprendre l’oeuvre, le contexte dans lequel elle a été écrite, et son influence sur les arts. De cette œuvre de Flaubert, Marguerite Yourcenar disait : Décrire Carthage, qu’on connaît si peu, était à l’époque de Flaubert et au fond serait encore aujourd’hui, une entreprise presque insensée. (…) l’excellence du style fait tout accepter : on demeure ébahi devant ces phrases dont chacune est une pièce d’or ou de bronze pesant de tout son poids, suspendue au fil (…) de cette affabulation romanesque sur la fille d’Hamilcar.

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3. Trois de mes découvertes de la rentrée


Un roman plaisant et rafraîchissant : De la supériorité du passant dans les affaires de l’amour, de Jean-Marie Palach aux éditions du Volcan.
Après une formation à l’ENA, Jean-Marie Palach a occupé des postes dans diverses administrations. En 2010, il a eu envie d’écrire par plaisir, non par esprit mercantile, mais pour s’amuser. Lauréat de plusieurs concours de nouvelles, il s’est pris au jeu et, depuis, il a publié sept livres pour la jeunesse, quatre romans policiers et cinq romans, dont celui-ci.
Voici le texte de la quatrième de couverture :
À Paris, Pauline, jeune agent littéraire indépendante, a pour client Dubanton, un quinquagénaire timide et gauche, qui vient de publier son premier roman. Elle accepte de le promouvoir et, à sa grande surprise, le livre est magnifique. Un jour, alors qu’elle marche rue Saint-Jacques, un jeune homme la sauve au moment où une voiture manque de la renverser, puis il disparaît.
Pauline consacre son énergie à la défense du roman de son client, mais ne parvient pas à oublier le visage de celui qui l’a sauvée.

Ce livre met en évidence la difficulté à être reconnu dans le milieu de l’édition, souvent fermé et où le succès et la réussite ne sont pas toujours attribués aux meilleurs. Bien que sans grande originalité a priori, les personnages sont attachants et, au fil des pages, on voit Dubanton, complexé et coincé, prendre confiance en lui et démontrer ainsi que chacun est capable d’évoluer.

J’ai trouvé amusant que La Conjuration des masques, premier roman policier de J-M Palach, soit l’oeuvre du héros et donc comme un personnage de ce roman dans lequel les références littéraires ne manquent pas. En particulier, on y trouve le poème Une allée du Luxembourg, de Gérard de Nerval, et À une passante de Baudelaire, qui devient ici À un passant et qui a inspiré le titre du livre que l’auteur a formulé comme celui de certains essais du XVIIIe siècle.

J-M Palach a également émaillé son livre d’anecdotes qu’il fait raconter à ses personnages, comme celle concernant Simone Veil (p. 73) qu’il a réellement vécue.

Un livre savoureux, plaisant, léger, spirituel, plein d’humour, très bien écrit et qui fait du bien.
En voici un petit aperçu ; Dubanton a été reçu par son supérieur qui ambitionne de devenir écrivain.
S’il avait eu une once de sens tactique, Dubanton aurait loué l’incommensurable culture du chef. Ce n’est pas tous les jours qu’on a le privilège de converser avec quelqu’un qui a lu l’oeuvre proustienne dans son intégralité, ou la Comédie humaine ou les vingt-sept volumes des Hommes de bonne volonté, ou la saga des Rougon-Macquart. Beaucoup en parlent savamment, ont engrangé au cours d’une conversation, d’un débat télévisé ou d’un extrait commenté, une anecdote qu’ils peuvent resservir si nécessaire, sans s’abaisser à faire référence à la fameuse madeleine, là ce serait trop gros, à ne sortir qu’en toute fin de repas, et encore, devant un public n’ayant pas dépassé le niveau du collège.

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Galerie des Glaces, d’Éric Garandeau, aux éditions Albin Michel.
Énarque lui aussi, Éric Garandeau a occupé divers postes de responsabilité avant d’être conseiller culturel du président de la République de 2007 à 2010. Aujourd’hui, il est président d’une société de conseil en innovation et ingénierie de projets dans le domaine culturel, audiovisuel et la transformation numérique.
Son premier roman, Tapis rouge, est une satire de la société du spectacle, en particulier du cinéma.
Son deuxième roman, Galerie des Glaces dont je vais vous parler est à la fois un roman historique, une enquête policière, une quête initiatique, un roman ésotérique, une histoire d’espionnage économique.
En voilà un bref résumé :
Gabriel Thaumas est recruté comme enquêteur privé pour éclaircir les circonstances de la mort du prince Alexandre Obkowicz, dirigeant d’une manufacture de verre multiséculaire cotée au CAC 40, et dont l’avion privé qu’il pilotait s’est écrasé. Sa veuve oriente l’enquête de Gabriel vers les activités du défunt au Nigeria où il avait l’ambition de construire une nouvelle Venise et où il avait une deuxième famille. Par ailleurs, bien que florissantes, ses affaires rencontraient quelques difficultés. Est-ce un simple accident ou un crime passionnel ou la conséquence d’une guerre industrielle ? Sa mort serait-elle liée aux racines de l’entreprise qui remontent à l’enlèvement de familles vénitiennes, à la demande de Colbert, pour s’approprier le secret des miroirs de Murano et ainsi répondre aux rêves de Galerie des Glaces de Louis XIV ?

Dans ce livre, deux personnages principaux : Gabriel, un ancien flic, dont les aventures qui se passent de nos jours sont écrites au passé. Giovanni, dit Gianni, fils d’un verrier de Venise, qui comme d’autres a été enlevé avec sa famille sur les ordres de Colbert pour travailler au sein de la manufacture chargée de fabriquer les miroirs qui orneront la Galerie des Glaces et dont les aventures sont contées au présent. Trois lieux : Makoko, bidonville bâti sur pilotis situé dans la lagune de Lagos au Nigeria, Venise et Versailles.
Au fur et à mesure de la lecture, on comprendra ce qui relie ces deux histoires racontées en parallèle et que presque quatre siècles séparent.
C’est un livre riche d’informations qui a demandé à l’auteur des recherches approfondies. On s’y perd quelquefois, mais on ne le lâche pas. Et, si la préface paraît énigmatique, à la fin on peut relier tous les éléments ! Ce livre est très bien construit et l’intrigue habilement menée.
Pour ma part, après cette lecture qui m’a réellement passionnée, j’ai eu envie d’en savoir plus sur l’histoire des verriers de Venise, le rôle politique de Colbert, le Nigeria et le délitement des modèles économiques contemporains.

En voici un extrait ; Giovanni a été enlevé et mis dans la cale d’un bateau avec sa famille et d’autres familles de verriers.
Les mots « Francia » et « Parigi » reviennent à tout propos, je comprends que c’est notre destination. La France ! Au-delà de l’Italie ! Il est aussi question du roi, qui veut nous voir. Le roi de la France. Quoi de plus excitant ? Je fais part de la nouvelle à Virgilio, je le secoue pour qu’il partage ma joie. Francesca ouvre un oeil et se rendort aussitôt. Les bandits nous ont apporté du pain et du vin. Mon père refuse tout, moi je veux bien manger, et aussi boire.
Après deux verres de vin, je m’assoupis à nouveau, dans un bonheur sans nom… Je rêve de rois, de princesses, d’archers, d’arquebusiers, de batailles au petit jour dans la brume, de filles de ferme, de chevauchées, de processions… tout ce que j’ai vu sur les fresques des églises, les mosaïques, les manuscrits enluminés montrés par des prêtres, les conversations de voyageurs dans les tavernes de Murano. J’imagine aussi des animaux étranges, des licornes, des dragons… et puis des jeunes femmes aux cheveux d’or qui tombent sur les hanches et qui parlent des langues étranges, des sirènes au corps de poisson, des mariages, des croisades… Je sens que c’est le premier jour de ma vraie vie d’homme… Et l’eau continue à chanter le long de l’étrave, plus joyeuse encore.

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La Carte postale d’Anne Berest, aux éditions Grasset.
Je n’avais pas prévu de vous en parler aujourd’hui. Mais quand j’ai appris que l’auteure et sa mère étaient les invitées du CERCIL et de la librairie des Temps modernes, je me suis dit qu’il me fallait modifier le programme afin de vous présenter ce livre. Tout de suite j’ai écrit à l’éditeur pour le demander et je l’ai reçu dès le lendemain. J’avoue qu’en voyant ce pavé de 500 pages, j’ai eu peur de ne pas arriver à le lire à temps pour pouvoir vous le présenter. Mais dès que je l’ai ouvert, après les premières pages je me suis laissée embarquer et je l’ai lu en quatre jours sans pouvoir le lâcher !

Anne Berest est l’auteure de six romans, dont Gabriële, coécrit avec sa sœur Claire, et qui raconte le destin de Gabriële Buffet-Picabia, femme du peintre Francis Picabia et mère de Vicente Picabia, son grand-père, le jeune homme « beau à en crever » mort d’une overdose à l’âge de 27 ans et que sa grand-mère, Myriam, avait épousé. Elle est également scénariste et a écrit pour Arte la passionnante série Mytho.

Voilà comment elle présente son livre, La Carte postale :
C’était en janvier 2003. Dans notre boîte aux lettres, au milieu des traditionnelles cartes de voeux, se trouvait une carte postale étrange. Elle n’était pas signée, l’auteur avait voulu rester anonyme. L’Opéra Garnier d’un côté, et de l’autre, les prénoms des grands-parents de ma mère, de sa tante et son oncle, morts à Auschwitz en 1942. Vingt ans plus tard, j’ai décidé de savoir qui nous avait envoyé cette carte postale. J’ai mené l’enquête, avec l’aide de ma mère. En explorant toutes les hypothèses qui s’ouvraient à moi. Avec l’aide d’un détective privé, d’un criminologue, j’ai interrogé les habitants du village où ma famille a été arrêtée, j’ai remué ciel et terre. Et j’y suis arrivée. Cette enquête m’a menée cent ans en arrière. J’ai retracé le destin romanesque des Rabinovitch, leur fuite de Russie, leur voyage en Lettonie puis en Palestine. Et enfin, leur arrivée à Paris, avec la guerre et son désastre. J’ai essayé de comprendre comment ma grand-mère Myriam fut la seule qui échappa à la déportation. Et éclaircir les mystères qui entouraient ses deux mariages. J’ai dû m’imprégner de l’histoire de mes ancêtres, comme je l’avais fait avec ma soeur Claire pour mon livre précédent, Gabriële. Ce livre est à la fois une enquête, le roman de mes ancêtres, et une quête initiatique sur la signification du mot « Juif » dans une vie laïque.

La carte postale porte quatre prénoms : Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques. Ephraïm et Emma étaient les grands-parents de sa mère, Lelia, Noémie et Jacques la tante et l’oncle de sa mère. Tous les quatre sont morts à Auschwitz en 1942. et c’est un événement à l’école de sa fille qui va déclencher sa double enquête pendant trois ans : retrouver l’auteur de la carte postale et retrouver l’histoire de ces quatre disparus. Le livre est écrit en quatre parties.
La première, racontée par Lelia qui, en quelque sorte, est l’archiviste de la famille, met en scène la vie d’Ephraïm et Emma ; c’est une véritable épopée qui, en 1929, les mènera jusqu’en France. L’auteure écrit page 35 : Mais Ephraïm l’ingénieur, le progressiste, le cosmopolite, a oublié que celui qui vient d’ailleurs restera pour toujours celui qui vient d’ailleurs. La terrible erreur que commet Ephraïm, c’est de croire qu’il peut installer son bonheur quelque part. Ils ont fui puis reconstruit leur vie plusieurs fois et ont toujours voulu le meilleur pour leurs enfants : Noémie qui voulait devenir écrivaine, Jacques qui aimait la nature et l’agronomie, Myrian l’aînée, brillante et indépendante. On voit évoluer ces personnages, ils traversent les difficultés liées à l’antisémitisme et à la persécution des Juifs, mais ils sont décrits avec bienveillance, sans apitoiement, sans jugement ni parti-pris.
La deuxième partie est davantage la chronique de l’enquête et permet de comprendre ce qui en est à l’origine. L’auteure écrit page 241 : Nous étions tous une grande famille, qu’importe notre couleur de peau, notre pays d’origine, nous étions tous reliés les uns aux autres par notre humanité. Mais au milieu de ce discours des lumières qu’on m’enseignait, il y avait ce mot qui revenait comme un astre noir, comme une constellation bizarre, qui revêtait un halo de mystère. Juif.
La troisième partie est un court échange de correspondance entre Anne et sa sœur Claire.
Et la quatrième partie permet de suivre la vie de Myriam, seule rescapée de l’holocauste, et de connaître l’auteur et la raison de cette carte postale.

Un livre qui permet de suivre une l‘histoire d’une famille tout au long de cinq générations de femmes. Un livre très fort qu’on lit d’une seule traite et qui aborde des sujets graves comme la Shoah, la Mémoire, la Collaboration, la tolérance, en parlant des faits, mais sans pathos et sans jugement : c’est au lecteur de se faire sa propre opinion.

Vraiment, cela a été pour moi le choc de cette rentrée littéraire. Lisez-le, relisez-le et, si vous le pouvez, venez rencontrer l’auteure au CERCIL le 28 septembre.

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4. Rencontres littéraires d’octobre dans le Loiret

Voici quelques-unes des prochaines rencontres littéraires dans le Loiret. Dans le contexte sanitaire actuel, n’oubliez pas de réserver auprès des organisateurs.

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