
10 novembre 2022.

L’émission littéraire proposée par Josiane Guibert qui vous fait partager ses découvertes, ses points d’intérêts et ses coups de cœur.
Au programme : 1 Chien 51, de Laurent Gaudé, aux éditions Actes sud ; un roman noir d’anticipation. 2 Le salon, d’Édouard Lalo, aux éditions Plon ; un roman sur le bonheur apporté par les livres. 3 Le soldat désaccordé, de Gilles Marchand, aux éditions Aux forges de Vulcain ; un roman qui évoque les traumatismes dus à la première guerre mondiale. 4 Le tableau du peintre juif, de Benoît Séverac, aux éditions La manufacture des livres ; un roman historique qui évoque les Justes et la Collaboration. 5 La collectionneuse de mots oubliés, de Pip Williams, aux éditions Chatto & Windus ; un très agréable roman sur le plaisir des mots. |

1. Chien 51 de Laurent Gaudé aux éditions Actes sud
Voilà un livre qui me change de mes lectures habituelles puisqu’il s’agit d’un livre de science-fiction. Mais avant tout un roman d’enquête. Voici ce qu’en dit l’éditeur en quatrième de couverture :
« C’est dans une salle sombre, au troisième étage d’une boîte de nuit fréquentée du quartier RedQ, que Zem Sparak passe la plupart de ses nuits. Là, grâce aux visions que lui procure la technologie Okios, aussi addictive que l’opium, il peut enfin retrouver l’Athènes de sa jeunesse. Mais il y a bien longtemps que son pays n’existe plus. Désormais expatrié, Zem n’est plus qu’un vulgaire “chien”, un policier déclassé fouillant la zone 3 de Magnapole sous les pluies acides et la chaleur écrasante.
Un matin, dans ce quartier abandonné à sa misère, un corps retrouvé ouvert le long du sternum va rompre le renoncement dans lequel Zem s’est depuis longtemps retranché. Placé sous la tutelle d’une ambitieuse inspectrice de la zone 2, il se lance dans une longue investigation. Quelque part, il le sait, une vérité subsiste. Mais partout, chez GoldTex, puissant consortium qui assujettit les pays en faillite, règnent le cynisme et la violence. Pourtant, bien avant que tout ne meure, Zem a connu en Grèce l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il a aimé. Et trahi.
Sous les ciels en furie d’une mégalopole privatisée, “Chien 51” se fait l’écho de notre monde inquiétant, à la fois menaçant et menacé. Mais ce roman abrite aussi le souvenir ardent de ce qui fut, à transmettre pour demain, comme un dernier rempart à notre postmodernité.
Né en 1972, Laurent Gaudé a reçu en 2004 le prix Goncourt pour Le Soleil des Scorta. Romancier, nouvelliste et dramaturge, il construit une œuvre protéiforme, d’Eldorado (2006) au long poème épique Nous, l’Europe, banquet des peuples (2019). »
Bien qu’il ait été récompensé par le Goncourt, je n’avais jamais lu cet auteur ; j’ai compris que c’était son premier livre de science-fiction et je dirais que « pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître ».
Dans ce roman, il nous présente un monde où une société, Gold Tex, rachète des pays endettés. Le héros, Zem Sparak, vient de Grèce ; et ce n’est sans doute pas pour rien que l’auteur a choisi ce pays, berceau de notre civilisation, d’une culture avancée et éclairée. Mais c’est pour construire un monde où les hommes sont divisés en trois catégories : les puissants, les dirigeants ; ceux qui sont instruits et formés donc utiles à la société ; ceux qui vont servir d’esclaves, de main d’oeuvre et qui vivent dans des conditions impitoyables.
On se trouve plongé dans un monde d’injustice sociale, de violence où règne une dure répression face à la révolte, un monde effrayant et déshumanisé et hyperconnecté, un monde qui doit faire face au dérèglement climatique et aux intempéries de pluies acides et de tempêtes dévastatrices.
C’est un livre qui nous renvoie au fonctionnement et aux dérives de notre propre société, mais qu’on lit sans jamais le lâcher. Le rythme est haletant, les personnages bien décrits, les situations effrayantes maintiennent l’intérêt jusqu’au bout.
Et cependant, il reste de la poésie et du rêve. Notre héros ne va-t-il pas décider de retourner à Delphes ? Quelle belle fin pour une histoire bien souvent sordide.
Un très grand roman d’enquête.
Pour vous donner une petite idée sans rien dévoiler, voici un passage de la page 239 :
« Du bétail. Voilà ce qu’ils sont. Avancer. S’arrêter. Avancer. S’arrêter. Montrer sa bonne mine, ne pas faire d’histoires, avancer, travailler. Fermer sa gueule, montrer ses papiers, avancer. Écouter les ordres, se la fermer et continuer… la file de voitures lui apparaît soudain comme l’image vertigineuse de la vie qui lui reste à vivre. Il ne peut plus rien faire d’autre que ça. Rentrer en zone 3 et continuer.… Combien de temp tiendra-t-il ? »
2. Le Salon d’Oscar Lalo aux éditions Plon.
En quatrième de couverture, on peut lire :
« Vous connaissez une personne, vous, qui a lu La Tentation de saint Antoine ? »
Le malentendu commence devant le bac à un euro d’une librairie de quartier. Le narrateur de cette histoire ne saurait expliquer pourquoi ce livre l’appelle, mais il tend une pièce au libraire pour que Gustave Flaubert ne fasse plus le trottoir.
Le malentendu se poursuit chez un styliste visagiste où notre héros, à la faveur d’un mauvais coup de tondeuse, se retrouve dans l’obligation de rembourser une dette colossale. Sans un sou dans le portefeuille, mais persuadé du trésor que contient son livre de poche, il propose de faire salon littéraire dans ledit salon de coiffure.
Le Salon est l’histoire inclassable et enchanteresse d’un éveil à la vie par le biais de la littérature, sur fond de relation triangulaire entre un coiffeur autodidacte, un libraire au grand cœur, et un adolescent… de trente-neuf ans.
Avant de devenir écrivain, Oscar Lalo a passé sa vie à écrire (plaidoiries, chansons, scenarii). Son premier roman, Les Contes défaits, a remporté un prix et a fait partie de nombreuses sélections. Puis, avec La Race des orphelins, il a été lauréat du prix littéraire du Deuxième roman, du prix d’honneur Filigrane et d’un prix remis par des lycéens : le prix Louis-Thuillier. Le Salon est son troisième roman.
Ce roman a été pour moi une belle découverte. D’une part parce que je ne connaissais pas du tout son auteur. D’autre part parce que je me suis trouvée dans la position de celle qui lit un livre qui raconte l’histoire de celui qui lit un livre…
Je ne dévoilerai pas davantage le contenu du livre. Mais je voudrais dire pourquoi je l’ai aimé.
Dès le titre, ce roman interpelle : Le Salon. Est-ce du salon de coiffeur ou du salon littéraire que l’on parle ici ? Sans doute les deux, car les deux se mêlent et se complètent. Ce roman est un hommage aux livres et à la littérature. Néanmoins, accéder à la littérature en lisant La Tentation de Saint-Antoine de Flaubert ne me paraît pas la méthode la plus facile ! Mais au fil du roman et de ses rencontres littéraires, le narrateur va progressivement devenir adulte, il va prendre confiance en lui, il va devenir lui-même. Et la présence et l’aide du libraire et du coiffeur n’y sont pas pour rien.
Et ce roman est bienveillant, sans jugement, sans apitoiement. Le narrateur est dans une démarche de découverte de la littérature, des autres et finalement de lui-même.
Enfin, écrit en chapitres courts, avec un style fluide, mais néanmoins plutôt littéraire, parsemé de quelques doses d’humour, ce texte est très agréable à lire. On éprouve de l’empathie pour les personnages, on s’imprègne de leurs questions et de leurs émotions.
Une belle réussite !
Pour vous mettre l’eau à la bouche, voici un extrait de la page 74 ; le narrateur vient de donner son cours de littérature au salon de coiffure :
« En ayant eu les couilles… de donner un cours sur un sujet dont j’ignorais tout une semaine plus tôt, je viens d’accomplir un acte fort. On peut se moquer, on se moquerait certainement, on est peut-être déjà en train de se moquer de moi au salon, je n’en ai pas moins pénétré la cour des grands, ou, plus exactement, enfin quitté celle des petits. »
Et, pour terminer, une phrase de la page 120 : « un livre rassasie quelques heures, tient chaud pendant l’hiver ou nourrit toute une vie. Il suffit de savoir pêcher. »
N’est-ce pas une belle conclusion pour une présentation de livre ?

3. Le soldat désacordé de Gilles Marchand édité par Les forges de Vulcain.
« Paris, années 20, un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il va découvrir, au milieu de mille histoires plus incroyables les unes que les autres, la folle histoire d’amour que le jeune homme a vécue au milieu de l’Enfer. Alors que l’enquête progresse, la France se rapproche d’une nouvelle guerre et notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d’espoir dans un monde qui s’effondre. »
Gilles Marchand est né en 1976 à Bordeaux. Ses romans, échos de ses lectures de Vian, Gary ou Pérec, sont des mélanges de réalisme magique et de poésie. Le soldat désaccordé est son quatrième roman solo.
Pour écrire ce roman, l’auteur a consulté une importante documentation et des romans sur la Grande Guerre comme il l’explique à la fin du livre.
Il aborde notamment le quotidien des poilus, leurs conditions en donnant la parole à des poilus revenus de la guerre. Mais aussi il évoque ce qui vient après la guerre et la difficulté pour ceux qui sont revenus à s’insérer dans la société et à surmonter les traumatismes psychologiques qu’ils ont subis et que seuls ceux qui les ont vécus peuvent comprendre.
Il aborde également les exécutions pour l’exemple des soldats qui refusaient d’obéir ou qui désertaient.
Mais ce roman n’est semblable à aucun autre et il ne se résume pas à cela. Ce qui retient le lecteur c’est la puissance d’évocation des destins individuels qui se croisent, c’est l’amour plus fort que la guerre, plus fort que la barbarie, plus fort que la peur et que la douleur. Le narrateur a perdu son amour, il s’investit à fond dans sa recherche qui devient sa raison de vivre et il nous entraîne avec lui.
Et, tout au long de ce livre, la poésie est présente comme elle est présente dans le quotidien d’Émile qui écrit à Lucie : « Émile écrivit des poèmes qu’il garda précieusement dans une boîte en fer. Lucie écrivit des lettres qu’elle garda précieusement dans une boîte en bois. Bois et fer se retrouvèrent au printemps 1909. » peut-on lire p. 47. Et le livre se termine par un poème magnifique…
Un très beau roman qui marquera sans doute cette rentrée littéraire et que je vous engage vivement à lire, c’est un bijou, une pépite, un bonheur de sensibilité et de poésie malgré l’enfer qu’il évoque, un livre à ne pas rater.
Extrait p. 111 :
« On se racontait nos amours. Ceux qu’en avaient pas inventaient. Ceux qu’en avaient plus se souvenaient. Ceux qu’avaient pas été gâtés embellissaient. Ça sert à ça les histoires, à rendre la vie meilleure. On avait les pieds lourds, alors on s’interdisait d’avoir le coeur trop lourd. On ne pouvait pas ajouter les larmes à la pluie, on aurait coulé. Et il fallait avancer. On remettait nos havresacs qu’on remplissait d’histoires d’amour d’un peu tout le monde, ça resservirait toujours. L’amour, ça se partage bien, t’en prends un bout, il en reste autant à celui qui t’a raconté l’histoire. C’était facile d’être généreux. »


4 –Le tableau du peintre juif, de Benoît Séverac aux éditions La manufacture de livres.
Et maintenant, un autre coup de coeur.
Je ne connaissais pas du tout l’auteur et cette lecture a été une belle découverte. Voici la présentation du livre faite par l’éditeur :
« L’oncle et la tante de Stéphane vident leur appartement et lui proposent de venir récupérer quelques souvenirs :
— Tu pourrais prendre le tableau du peintre juif.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Quel peintre juif ?
— Celui que tes grands-parents ont caché dans leur grenier pendant la guerre.
C’est ainsi que Stéphane découvre un pan de l’histoire familiale complètement ignoré. Eli Trudel, célèbre peintre, aurait été hébergé pendant l’Occupation par ses grands-parents, le tableau est la preuve de sa reconnaissance et Stéphane en hérite aujourd’hui. La vente de cette œuvre de maître pourrait être un nouveau départ pour son couple, mais Stéphane n’a plus qu’une obsession : offrir à ses grands-parents la reconnaissance qu’ils méritent… Cependant quand le tableau est présenté aux experts à Jérusalem, Stéphane est placé en garde à vue, traité en criminel : l’œuvre aurait été volée à son auteur. Quel secret recèle cette toile ? Que s’est-il vraiment passé dans les Cévennes, en hiver 1943, pendant la fuite éperdue d’Eli Trudel et de sa femme ?
Dans cette enquête croisée entre passé et présent, Benoît Séverac nous maintient en haleine et nous entraîne aux côtés de Stéphane sur les traces du peintre juif et de sombres secrets de l’Histoire. »
Benoît Séverac, né en 1966, a grandi aux pieds des Pyrénées et est devenu toulousain à l’âge de 18 ans. Il a été tour à tour guitariste-chanteur, comédien, saisonnier agricole, gardien de brebis, restaurateur de monuments funéraires, vendeur de produits régionaux de luxe et de chambres « meublées » pour gros clients japonais, professeur de judo, photographe dans l’armée de l’air, serveur en Angleterre, clarinettiste dans un big band de jazz puis co-fondateur d’une fanfare rock-latino-jazz… Il s’est formé à la dégustation de vin en Alsace, est diplômé du Wine and Spirit Education Trust de Londres. Il a enseigné l’anglais à l’École nationale vétérinaire de Toulouse. Il publie à la fois des romans pour les adultes et de la littérature jeunesse.
Ce roman mêle deux histoires : celle de Stéphane qui se déroule aujourd’hui et, en parallèle, celle du peintre juif et de son épouse qui cherchent à fuir la France occupée. Dès le début, on est intéressé par ce récit, écrit à la première personne. C’est Stéphane qui raconte son histoire qui va se révéler être une véritable enquête, ce à quoi – a priori –on ne s’attendait pas. Stéphane est plutôt dépressif, il a de lui une image négative, il a l’impression d’avoir tout raté ; il se trouve en vraie crise conjugale. Cette quête est sans doute pour lui un moyen de se reconstruire et de retrouver l’estime de lui-même.
Ce roman est comme un polar, avec en plus une observation psychologique fine des personnages. Bien construit, bien écrit, il permet de voir le chemin que fait le héros pour se trouver, car cette quête est aussi celle de lui-même. On est tenu en haleine jusqu’au bout : que s’est-il passé pendant l’hiver 43 ? Pourquoi ce tableau a-t-il été déclaré volé ? J’avoue que je ne m’attendais pas au dénouement tellement l’auteur a su tirer parti de tout en ne dévoilant rien.
Au-delà de cette quête, le livre est parfaitement documenté sur les réseaux de Résistance et leur fonctionnement, sur les lieux, sur l’Histoire. Mais tout est dosé, pas de pathos, pas d’excès, des faits bruts énoncés au bon moment.
Vraiment un excellent roman que je recommande. En voici un passage de la page 101 :
« Ces Israéliens ressemblent à tous les jeunes de leur âge sur cette planète : ils sont bruyants, ils se bousculent, ils rient en se montrant des vidéos sur leurs téléphones portables… Rien de plus normal, sauf que nous sommes au mémorial de la Shoah et qu’ils viennent de participer à des ateliers sur un génocide perpétré contre leurs aïeux. Même ici, finalement, la mémoire s’efface et devient l’Histoire. Certes, le lieu est solennel, mais il est aussi une entreprise de vie, et elle est bien là, légère et forte comme le démontrent ces élèves. »

5. La collectionneuse de mots oubliés, de Pip Williams, aux éditions Chatto & Windus.
Quel beau titre à présenter lors d’une émission littéraire et quelle belle découverte !
En voici le texte de quatrième de couverture :
« En 1901, le mot « bonne à tout faire » est absent du premier dictionnaire d’Oxford.
Ce roman est l’histoire de celle qui l’a volé.
Esme est née entourée de mots. Orpheline de mère, elle passe son enfance dans le « Scriptorium » à Oxford, où son père et une équipe de lexicographes, sous la direction du Dr Murray, rassemblent des définitions et des citations pour constituer le tout premier dictionnaire d’Oxford.
Cachée sous la table de tri, Esme remarque un jour une fiche qui a échappé à l’un des assistants-lexicographes, sans qu’il s’en aperçoive. Cette fiche contient le mot « bonne à tout faire » dont Esme ignore le sens.
Elle la recueille et la dissimule dans la valise de son amie Lizzie, jeune servante à la maison des Murray. Se donnant pour mission de » sauver » les mots, elle se met à collecter d’autres fiches en provenance du Scriptorium que les hommes du dictionnaire décident d’écarter.
Au fil du temps, elle s’aperçoit que de nombreux mots sont mis de côté, principalement quand ils concernent les femmes. Alors elle commence à constituer son propre dictionnaire, celui des mots oubliés. »
Ce roman a pour cadre l’élaboration de l’Oxford English Dictionary (OED) commencée en 1857 sous la conduite du docteur Murray, un des personnages de ce roman qui mêle très adroitement personnages réels et personnages fictifs. On suit en toile de fond l’élaboration de ce dictionnaire d’abord publié en fascicule et qui a demandé environ sept décennies de travail. En toile de fond également la bataille pour l’égalité des droits organisée par les suffragettes et les réactions qu’elle suscite dans la société anglaise de l’époque.
Tout ceci se fait en suivant la vie d’Esme, la fille d’un des lexicographes du Dr Murray, son enfance et ses bêtises d’enfant, son adolescence et sa relation très riche avec son père, ses découvertes, ses émois, sa vie de femme. Et son choix de préserver les mots oubliés, ceux des femmes, ceux du peuple, ceux qui ne figurent dans aucun dictionnaire.
Je me suis vraiment attachée aux personnages, celui d’Esme bien sûr, mais aussi son père qui entretient avec elle une relation riche et confiante, Lizzie, la servante du Dr Murray qui la réconforte, la soigne, est toujours présente quand elle a besoin de soutien, sa tante Ditte, tous les personnages du Scriptorium où travaillent les assistants du Dr Murray…
Pour conclure, je trouve que ce livre interroge sur la place des mots dans notre vie et qu’il est un plaidoyer pour l’égalité des femmes. En effet, la plupart des mots du OED ont été proposés par des hommes, tous les rédacteurs étaient des hommes, la plupart des oeuvres littéraires, manuels et articles de presse utilisés pour illustrer l’emploi des mots ont été écrits par des hommes. L’idée d’Esme de constituer un lexique de mots employés par des femmes et définis par elles et qui sous-tend ce livre s’insère donc dans la marche d’une société du XIXe et du début du XXe encore figée dans son fonctionnement.
Une très belle lecture, poétique et attachante.
Pour terminer, un petit extrait de la page 276 :
« Bonne à tout faire. Le mot m’est revenu à l’esprit et j’ai pris conscience que les termes les plus fréquemment utilisés pour nous définir étaient ceux qui décrivaient notre fonction par rapport à d’autres. Les mots les plus anodins eux-mêmes – jeune fille, épouse, mère – révélaient au monde si nous étions vierges ou non. Quel est l’équivalent masculin de vierge ? Je n’en trouvais pas. Quel était l’équivalent masculin de madame, ou de putain ou de sorcière ? J’ai regardé vers le Scriptorium, le lieu où les définitions de tous ces mots étaient couchées sur le papier. Quels mots me définiraient ? Lesquels serviraient à juger ou à enfermer ? Je n’étais pas vierge, mais je n’étais pas l’épouse d’aucun homme. »